Congo
Si pour son auteur, il y a bel et bien eu génocide, le régime de Sassou-Nguesso estime au contraire que le livre intitulé « Le génocide des laris » est une véritable « ineptie ». Et l’entrée et la vente de l’ouvrage sont formellement interdites au Congo.
Selon des sociologues et historiens, le peuple lari est un sous-groupe ethnique basé essentiellement dans la région du Pool, au sud du Congo. Une région du Pool qui a souvent été théâtre d’affrontements armés dont celui qui a opposé d’avril 2016 à décembre 2017 la force publique à la rebellion « Ninja-Nsiloulou » de Frédéric Bintsamou alias Pasteur Ntumi.
Ce qui a été à l’origine d’une grave crise humanitaire ayant touché plus de 138 000 personnes. Mais, il y a 20 ans, la même région fut le théâtre d’un conflit armé mené par les mêmes protagonistes. Parmi les faits marquants de cet épisode de l’histoire congolaise, ce qu’on a appelé « Affaire des disparus du Beach », allusion faite à la disparition au débarcadère du fleuve Congo de nombreux Congolais en provenance de la RDC où ils s‘étaient réfugiés du fait des combats.
Rentrés dans leur pays suite à un accord tripartite entre le Congo, la RDC et le HCR, ils manquent jusqu’ici à l’appel. Malgré le procès d’août 2005 qui innocenta « purement et simplement » les 14 accusés « faute de preuves », cette affaire semble restée à la gorge de certains Congolais.
« Génocide imaginaire »
Et à en croire Dominique Nkounkou, avocat congolais basé en France, il y aurait eu génocide contre le peuple lari de 1963 à nos jours. D’où son livre de 127 pages intitulé « Le génocide des laris » paru aux éditions l’Harmattan de France.
La réaction des autorités congolaises a été sans équivoque, ceci à travers une conférence de presse donnée ce 22 octobre par Aimé Ange Wilfrid Bininga, ministre de la justice, en présence de Thierry Lézin Moungalla, porte-parole du gouvernement.
Épluchant mutatis mutandis l’histoire du Congo devant les professionnels de la communication, Aimé Ange Wilfrid Bininga a fait savoir que bien que le pays ait connu des crises, « aucune fois, il n’a jamais été question de génocide au Congo ». De là à déduire qu’il s’agit là d’une « ineptie » et des « allégations graves ».
Quant au porte-parole du gouvernement, il a défini le concept génocide . « Un génocide est un crime qui consiste en l’élimination physique, intentionnelle, totale, partielle d’un groupe national ethnique… », a expliqué Thierry Moungalla cité par Les Dépêches de Brazzaville, un quotidien privé local. Et de renchérir : « c’est un génocide imaginaire conçu par M. Kounkou qui transforme les fake news en vérité scientifique et historique ».
M. Bininga a ainsi annoncé l’interdiction de la vente et l’entrée du livre sur le territoire congolais, tout en promettant des poursuites judiciaires contre l’auteur et l‘éditeur de l’ouvrage.
Les ministres devenus des « censeurs » ?
Toutefois, cette réplique a beau être « pertinente », des Congolais semblent encore insatisfaits. « Je ne vois pas sur quelle base juridique se fonde l’interdiction du livre de Nkounkou au Congo, ni sur quelles attributions messieurs les ministres en charge de la communication et de la justice s‘érigent-ils en censeurs ? Veulent-ils reproduire les autodafés du temps des nazis ? », s’interroge Hervé Mahicka, essayiste basé lui aussi en France. M. Mahicka reproche cependant à l’ouvrage d‘être « truffé de contre-vérités et d’approximations ».
D’autres Congolais essayent d’explorer le passé de leur pays. « Les premiers à avoir utilisé l’expression “Génocide“ dans l’histoire du Congo, c’est bien le PCT (parti au pouvoir, NDLR), en 1997, dans un livre Blanc intitulé “Génocide au Congo“. Certains auteurs sont encore vivants », explique le blog mediapart.fr.
« Au sortir de la Guerre de 1997, les vainqueurs de cette Guerre ( le PCT et ses alliés, NDLR) engagèrent des poursuites judiciaires contre Lissouba, Kolélas et Yhombi avec comme chef d’accusation “actes de génocide“ », rappelle encore l’organe en ligne. Mais, regrette le blog, « la justice fit arrêter la procédure devant les instances internationales, prétextant que le Congo se lançait sur la voie du Dialogue et de la réconciliation ».
Reste à savoir jusqu’où iront les débatteurs pour mettre fin à cette polémique qui ne vient que de commencer.
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